Les maisons d’écrivains : le château de Combourg, François-René de Chateaubriand

Entre Rennes et Saint-Malo, à Combourg, s’élève un château féodal assez austère. Ce n’est pas la première fois que je passe par cette commune mais j’avais toujours été rebutée par cette bâtisse grise. Cette année, ici comme partout, il fallait réserver par avance. Cela m’a donc évité de trouver porte close ou de rebrousser chemin avant d’arriver à l’accueil.

Chateaubriand est très jeune lorsque sa famille fait l’acquisition de cette propriété. Il y passe quelques années avant de partir pour ses études à Dol, Rennes et Dinan. Il est vrai que la description qu’il en fait dans les Mémoires d’Outre-Tombe n’engage pas particulièrement à la visite, mais puisque j’y étais…

« Au fond de la cour, dont le terrain s’élevait insensiblement, le château se montrait entre deux groupes d’arbres. Sa triste et sévère façade présentait une courtine portant une galerie à mâchicoulis, denticulée et couverte. Cette courtine liait ensemble deux tours inégales en âge, en matériaux, en hauteur et en grosseur, lesquelles tours se terminaient par des créneaux surmontés d’un toit pointu, comme un bonnet posé sur une couronne gothique.

Quelques fenêtres grillées apparaissaient çà et là sur la nudité des murs. Un large perron, roide et droit, de vingt-deux marches, sans rampes, sans garde-fou, remplaçait sur les fossés comblés l’ancien pont-levis ; il atteignait la porte du château, percée au milieu de la courtine. Au-dessus de cette porte on voyait les armes des seigneurs de Combourg, et les taillades à travers lesquelles sortaient jadis les bras et les chaînes du pont-levis.

Nous montâmes le perron ; nous pénétrâmes dans un vestibule sonore, à voûte ogive, et de ce vestibule dans une petite cour intérieure.

De cette cour, nous entrâmes dans le bâtiment regardant au midi sur l’étang, et jointif des deux petites tours. Le château entier avait la figure d’un char à quatre roues. Nous nous trouvâmes de plain-pied dans une salle jadis appelée la salle des Gardes. Une fenêtre s’ouvrait à chacune de ses extrémités ; deux autres coupaient la ligne latérale. Pour agrandir ces quatre fenêtres, il avait fallu excaver des murs de huit à dix pieds d’épaisseur. Deux corridors à plan incliné, comme le corridor de la grande Pyramide, partaient des deux angles extérieurs de la salle et conduisaient aux petites tours. Un escalier, serpentant dans l’une de ces tours, établissait des relations entre la salle des Gardes et l’étage supérieur : tel était ce corps de logis.

Celui de la façade de la grande et de la grosse tour, dominant le nord, du côté de la Cour Verte, se composait d’une espèce de dortoir carré et sombre, qui servait de cuisine ; il s’accroissait du vestibule, du perron et d’une chapelle. Au-dessus de ces pièces était le salon des Archives, ou des Armoiries, ou des Oiseaux, ou des Chevaliers, ainsi nommé d’un plafond semé d’écussons coloriés et d’oiseaux peints. Les embrasures des fenêtres étroites et tréflées étaient si profondes, qu’elles formaient des cabinets autour desquels régnait un banc de granit. Mêlez à cela, dans les diverses parties de l’édifice, des passages et des escaliers secrets, des cachots et des donjons, un labyrinthe de galeries couvertes et découvertes, des souterrains murés, dont les ramifications étaient inconnues ; partout silence, obscurité et visage de pierre : voilà le château de Combourg. »

En fait, très peu de choses ont changé depuis les Mémoire. Sauf la cour intérieure, aujourd’hui remplacée par une belle salle à manger. Pendant la visite, il est interdit de prendre des photos, mais comme l’aménagement intérieur et le mobilier ne datent pas de l’époque de Chateaubriand, elles n’auraient de toute façon pas un grand intérêt.

Cependant, la tour isolée dans laquelle dormait, seul, le futur écrivain, est restée intacte. Dans sa chambre, un cadavre momifié d’un chat donne le ton. C’est le fameux chat noir emmuré dans la tour. Cela nous rappelle les mythes et légendes qui entourent ce château, comme le chat, ou l’homme à la jambe de bois ou encore les légendes qui entourent le lac Tranquille, où un certain Lancelot… Mais bon, comme dit le guide, tous les lacs de la région ont vu passer Lancelot et Viviane. Ah, pas facile de séparer la réalité et la fiction!

Par contre, le parc de 25 hectares est magnifique. Il a été entièrement refait en fonction des descriptions faites dans les Mémoires. On y trouve donc l’arbre sous lequel François-René passait du temps avec sa soeur Lucille et qui semble avoir été le déclencheur de son inspiration.

Même si, ni la ville ni le château n’engendrent le romantisme, cette visite vaut le détour, ne serait-ce que pour se replonger, ne serait-ce qu’ un tout petit peu, dans certains passages des Mémoires.

Et, si vous passez par Saint-Malo, n’oubliez surtout pas de faire une petite marche à marée basse pour vous recueillir sur la tombe de chateaubriand, battue par les vents et les vagues.

Le Château a des horaires un peu spécifiques, alors mieux vaut téléphoner avant de programmer une visite.

Chantal cadoret

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