2020, l’année française : Le Cotentin

Cette année, à mon grand regret, il n’y aura pas de grands voyages à travers le monde. Parce que 2020 est décidément un millésime très particulier, nous voilà tous, ou presque, consignés en France, bon gré, mal gré. Pour que cette contrainte ne se transforme pas en punition, je vous emmène à la rencontre des quelques magnifiques régions que j’ai découvertes (ou redécouvertes) récemment et qui font oublier toutes ces vilaines histoires de virus, du moins le temps des vacances.

Si vous habitez dans la partie Nord de la France, la péninsule du Cotentin est une destination que vous devez absolument découvrir. Bien sûr, il faut oublier l’idée du farniente et des doigts de pieds en éventail, et, à moins d’être adeptes de la cryogénisation, il faut même oublier le maillot de bain. C’est une vie saine et sportive qui vous tend les bras, au milieu de paysages splendides et sauvages.

Je suis partie quatre jours à la découverte de cette région que je ne connaissais pas du tout. J’ai d’abord fait un arrêt sur les plages du débarquement pour profiter du soleil et de la mer avant d’attaquer LE NORD. Mon premier arrêt se fait à Colleville-sur-mer. Comme toujours, j’ai choisi un hébergement sur Airbnb, chez Pierre, où on est accueilli en ami et non en client.

La plage de Colleville c’est Omaha Beach, célèbre pour son débarquement. Elle est immense, surtout à marée basse, et surplombée de Blockhaus, de falaises et de gros rochers de granit. A ma grande surprise, l’eau était presque chaude. Mais attention, elle remonte très vite, comme un cheval au galop disait ma mère, et on a intérêt à ne pas laisser trop longtemps nos affaires sans surveillance sous peine de repartir sans elles!

Après cette pause balnéaire, Pierre m’a concocté, pour 14 euros, un diner convivial tout en me noyant sous une tonne d’informations sur sa région. Cerise sur le gâteau, il m’a emmenée voir un splendide coucher de soleil sur le Mur de l’Atlantique, magnifique spot, entre mer et champ de blé.

Pour rejoindre La Hague, destination finale de mon voyage, j’ai bâti mon itinéraire à partir des indications de Pierre.

La pointe du Hoc, le cimetière américain de Colleville, le cimetière allemand de La Cambe, Sainte Mère l’Eglise et son parachutiste accroché sur le clocher de l’église ( pas du bon côté de l’église mais bon, c’est plus photogénique), n’ont plus aucun secret pour moi. Le musée du débarquement de Sainte Mère l’Eglise est, parait-il, LE musée à visiter si on doit n’en voir qu’un seul, mais il faisait vraiment trop beau pour s’enfermer. Ce sera donc pour une prochaine escapade.

Lorsque vous pénétrez dans le cimetière américain, vous êtes en territoire américain. Je suis ravie car j’aurai quand même réussi à mettre un pied hors de France! Même jouissance lorsque, un peu plus tard, face aux îles anglaises, mon téléphone m’a souhaité la bienvenue en territoire anglais! Etats-Unis et Angleterre,en quatre jours et sans quarantaine, messieurs, mesdames! Beau pied de nez au virus, non?

Le cimetière allemand – non, lui n’est pas en territoire allemand – est plus petit, mais avec plus de tombes. Les dalles sont en lave noire ce qui donne au lieu un aspect plus strict. D’abord laissé à l’abandon, il offre aujourd’hui un havre de paix et de réconciliation. Il paraît qu’on peut y trouver la tombe du responsable du massacre d’Oradour sur Glane. Non, je ne l’ai pas cherché, mais en faisant le tour, j’ai eu le temps de vérifier que reposent ici de très jeunes soldats allemands qui n’ont sûrement pas eu plus de choix que leurs ennemis.

La pointe du Hoc est un cap composé d’une falaise d’une trentaine de mètres qui fut le théâtre d’un débarquement audacieux et mortel. De là-haut, la côte s’étend sauvage et majestueuse, seule tâche blanche entre les bleus du ciel et de la mer

Arrivée à La Hague, juste à un kilomètre de la Centrale de retraitement des déchets nucléaires ( beau choix, non?), je me suis laissée surprendre par d’épaisses nappes de brouillard, fumée étrange et mouvante. En l’espace de quelques heures, la température avait chuté de 15 degrés et la visibilité était devenue quasiment nulle. Bienvenue dans le Cotentin, également et justement surnommé « La petite Irlande »! Si les habitants de cette région vous voient faire la grimace, ils vous rassurent très vite : « Mais oui, il fait beau chez nous! Plusieurs fois par jour, même! » En trois jours, j’aurais l’occasion de vérifier la véracité de leurs propos.

Mon hébergement se trouvait à Herqueville, à la pointe ouest du Cotentin, chez deux jeunes ingénieurs de la centrale. Tout ce qu’il y a à voir se trouve à moins de dix kilomètres de là. Cherbourg, qui est au milieu de la péninsule, est à vingt-cinq kilomètres, et, en trois jours, je n’ai pas eu le temps d’y aller. Mais le nombre de kilomètres parcourus n’a pas de sens ici, car c’est à pied que cette région se découvre et s’apprécie.

Si vous êtes des randonneurs confirmés, vous vous régalerez. L’office de Tourisme de Beaumont-Hague vous fournit une carte des points principaux et des randonnées, en principe accessibles à tout le monde. Et si, comme moi, vous êtes une randonneuse du dimanche, alors vous trouverez un bon compromis entre promenade et voiture, le but du jeu étant de se faire plaisir devant des paysages fabuleux. Comptez tout de même des journées de dix à quinze kilomètres… minimum, bien sûr.

Attention, manger et boire un verre tiennent du parcours du combattant, même en juillet! Les randonneurs avertis se baladent avec leur pique-nique sur le dos et ne s’arrêtent jamais. Pour le repas de midi, il faudra donc scruter patiemment tous les ports et tous les bords de mer, où on a plus de chance de trouver un petit restaurant de fruits de mer ou à la rigueur, une baraque à frites. Par contre, il est plus difficile, voire impossible, de trouver un café ou un supermarché dans ces villages qui semblent toujours vides d’habitants.

Le nez de Jobourg est une avancée majestueuse et sauvage. En empruntant le sentier des douaniers qui longe toute la côte, l’eau émeraude des criques désertes m’a souvent rappelé les beaux lagons du bout du monde.

Un peu plus loin s’étend la baie d’Ecalgrain, magnifique et déserte, elle aussi.

Puis le Phare du cap de la Hague, ou cap Goury, sur le Raz Blanchard, balayé de forts courants. La croix qui s’élève face au phare est érigée en mémoire des naufragés du sous marin Vendémiaire. Ce lieu est merveilleux également au coucher du soleil.

Port Racine est un des plus petits ports de France et à marée basse, il ressemble plus à un bassin qu’à un port.

Entre chaque point de vue, on traverse des villages déserts aux maisons de granit, trapues et austères, souvent groupées autour d’une l’église et de son cimetière. Heureusement, les fleurs multicolores, hortensias géants et roses trémières, donnent un peu de vie et de gaité aux paysages.

C’est à Gréville-Hague que Jean-François Millet a vu le jour. Ses parents, agriculteurs, ont inspiré ses principaux chefs-d’oeuvre. La visite de sa maison n’a d’intérêt que le fait de pénétrer dans une de ces maisons anciennes et d’en percevoir la vie de ses propriétaires.

A quelques kilomètres de là se trouve la maison que Jacques Prévert a achetée pour ses dernières années. Le poète repose dans le cimetière du village. En contrebas, à Saint Germain des Vaux, sa femme et ses amis ont créé un jardin en son honneur. Ses poèmes sont parsemés au milieu des arbres et des plantes offerts par ses amis.

Comme on peut le constater sur la carte, il reste encore de nombreux villages à explorer et de jolies côtes à arpenter, au sud de la Hague et à l’est de Cherbourg. Je n’avais que trois jours, hélas. Mais, à la prochaine canicule, promis, je fuirai la région parisienne où il fait chaud tout le temps pour me réfugier dans le pays où il fait beau plusieurs fois par jour.

Chantal cadoret

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