2025.
Cela fait fait déjà 7 ans que je suis retraitée !
J’étais prof, et je me suis retrouvée auteure, sans avoir eu le temps de cocher la case retraite. Et sans l’avoir programmé. Quand on m’interroge sur mon passage à l’écriture, je dis volontiers que je me suis mise à écrire par hasard. Presque par accident.
Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Il y a eu des signes avant coureurs. Des petits indices que je n’ai pas voulu voir.
J’ai écrit mon premier roman à l’âge de 15 ans. Sur des cahiers de brouillon. Au stylo plume, à l’encre bleu ciel, comme toutes les adolescentes de l’époque. C’était une histoire d’amour, dans le style des romans photos qui trainaient sur la table du salon. Une jolie histoire qui se déroulait à Montmartre sur la Butte, puis en Californie. Le scénario était plutôt bien construit. Je crois que j’avais plus d’imagination, à cet âge, qu’aujourd’hui. Malheureusement mon roman a fini en cendres, lorsque mon appartement a brûlé en 1999.
Un jour, justement lors de ce douloureux épisode de ma vie, j’ai écrit de nouveau.
Nous vivions à l’hôtel dans des conditions un peu difficiles. Mon fils était en quatrième. A la suite de l’étude de la « parure » de Maupassant, en cours de français, il devait écrire une rédaction à la manière de l’auteur. Et, évidemment, il n’en avait pas très envie. Même si je faisais comme si notre situation était absolument normale, je comprenais son manque d’enthousiasme et de motivation. J’ai décidé de l’aider, pour la première ( et la dernière) fois.
La nuit venue, je me suis installée sur le bureau, près de la fenêtre de la chambre, éclairée par une petite lampe, pour ne pas le déranger. J’ai relu la nouvelle et elle m’a émue. Alors, j’ai écrit. Sans m’arrêter. Je ne me souviens plus du contenu mais ça devait forcément parler de ce que nous étions en train de vivre. On n’est jamais autant inspiré que dans la peine, tout le monde sait cela.
Le lendemain, lorsque mon fils a lu ma rédaction, il a souri et m’a dit. « Comment t’as fait? On dirait que c’est du Maupassant. Un peu trop peut-être. » Je lui ai répondu : » J’ai fait ma part du travail, alors à toi de jouer maintenant, pour que ça te ressemble. »
Le soir même, il a embauché ses cousines pour transformer le texte que je n’ai pas voulu relire. La prof n’a pas grillé la fraude — Pardon Madame, je sais que ce n’était pas bien, mais c’était juste pour cette fois, je le jure — et a même demandé la permission de lire le texte à toutes ses classes. Pour le plus grand plaisir de mon fils. Et du mien, bien sûr.
Un peu plus tard, j’ai gagné un concours organisé par une librairie, avec une nouvelle aux accents autobiographiques. Ma première publication dans un recueil.
Puis, lorsque mon fils est revenu de son périple d’un an en Afrique, j’ai retranscrit son blog dans un livre « ARA », que j’ai édité chez BOD. Mon premier livre auto-édité, donc.
Alors, c’est vrai, j’ai toujours écrit, mais je ne me doutais pas qu’un jour, j’en ferai mon occupation principale.
A 59 ans, le cancer m’a attrapée et m’a fait tomber dans un gouffre sans fond. Lorsque j’ai enfin réussi à sortir la tête hors de l’eau, presque deux ans plus tard, j’ai décidé de revoir mes priorités et d’arrêter de travailler. Frôler la mort change forcément les perspectives. La vie qui reprend le dessus a un goût de revanche. Je voulais réaliser mes rêves avant qu’il ne soit trop tard, car on ne guérit jamais d’un cancer et on ne sait jamais quand il pointera, de nouveau, son vilain nez.
L’un d’eux était de voyager seule. Sûrement le besoin de ne plus porter les autres sur mon dos, même en vacances. Vivre et respirer sans me laisser étouffer par les autres.
Ce fut un énorme plaisir. Lors d’un de ces voyages, j’ai rencontré une jeune femme qui m’a dit : « Puisque tu as envie d’écrire, ouvre un blog et raconte tes voyages. Je suis sûre que tu pourrais servir d’exemple à plein de femmes de ton âge. »
C’est ainsi qu’est né ce blog.
A mon retour de Thaïlande, en 2019, j’apprends que nous allons être confinés. Une situation angoissante et étrange qui va mettre fin à mon premier rêve. Cependant, j’avais ce blog, véritable fenêtre ouverte sur le monde.
Cette fois, les planètes étaient toutes alignées : j’avais un sujet, un moyen de communication, et surtout du temps. Un temps presque infini.
Alors, je me suis mise à écrire tous les jours sans exception. Et les gens, qui n’avaient rien d’autre à faire, me lisaient, aimaient ce que j’écrivais, et partageaient mes émotions, riant et pleurant en même temps que moi.
C’est une sacrée sensation que celle de plaire par sa plume.
Et je n’ai plus jamais cessé d’écrire, donnant à ma retraite un visage que je n’avais pas prévu de dessiner.
Non seulement je suis devenue auteure, mais j’ai aussi prouvé, avec mes sept livres, que j’étais capable de varier ma plume, passant de l’autobiographie au roman, en entrainant, dans mon sillage, des lecteurs de plus en plus fidèles et enthousiastes.

Je n’ai toujours pas l’envie d’être éditée. Pour plusieurs raisons :
- La première est cette envie d’aller vite. Je n’ai ni le temps ni l’envie d’attendre la réponse d’un éditeur. Et je n’accorde aucune confiance à ceux qui répondent immédiatement.
- La seconde est que je veux tout maitriser seule. L’écriture, la correction et la vente sont des casquettes qui ressemblent aux différentes facettes de ma personnalité et je ne veux les déléguer à personne.
- La dernière est la relation avec mes lecteurs. J’aime aller à leur rencontre, leur parler, les motiver. Récemment, quelqu’un m’a demandé si je n’aimerais pas voir mes livres sur les étagères d’une librairie. J’ai répondu : « J’écris pour être lue, pas pour prendre la poussière. » C’est pour cela que je parcours la France de long en large et de haut en bas, semant des petites graines de moi, sur mon passage.
Après la question de l’édition, revient systématiquement celle de la rentabilité.
Comme beaucoup d’auteurs inconnus, je ne gagne pas d’argent avec mes livres. Même si, au fil des années, j’arrive à ne plus en perdre. Mais gagner de l’argent – et je ne cracherais pas dessus, si cela arrivait un jour- n’est pas mon but. A la rentabilité, je préfère de loin la notoriété, aussi fragile soit-elle.
Alors me voilà. Toujours debout, toujours souriante, à narguer le temps qui passe.
Sept années d’une retraite qui porte bien mal son nom.
Sept années de folie que j’ai adoré vivre pleinement. Et quand on me dit : « Tu devrais te reposer. Il faut que tu te ménages », je réponds simplement :
« Plus tard sûrement. Quand je serai à la retraite. »
