MA VIE CONFINÉE : 16ème Jour

Mercredi 1er avril 2020

La nouvelle vient de tomber : nous allons tous mourir. Ils viennent de l’annoncer sur toutes les chaines d’info. Mais c’est horrible ! Je veux pas mourir, moi ! Pas avant d’avoir écrit mes mémoires, quand même !

POISSON D’AVRIL ! Ah, ah ! Je vous ai fait peur, non ? Bon, ça va, on peut bien rigoler un peu, ce n’est pas interdit !

Alors reprenons les choses depuis le commencement. Voilà 16 jours que nous sommes enfermés. Enfin, on ne dit pas enfermés, c’est trop négatif, on dit confinés, c’est plus… cosy.  C’est comme une  télé-réalité mais en vrai, pas avec des candidats au QI avoisinant zéro, mais avec nous tous, les gentils, les méchants, les cons et les intelligents. Tous, pas seulement un pays mais environ 3 milliards de personnes. Une télé réalité planétaire en quelque sorte. Un scénario rêvé mais totalement incrédible. Entendons nous bien, ce n’est pas non plus la fin du monde, mais c’est inédit, stressant et hélas, pour beaucoup de gens, mortel.

J’ai longtemps hésité à écrire ce journal. Pour écrire, il faut avoir quelque chose à livrer. Que pouvais-je raconter de spécial puisque nous sommes tous dans le même cas ?

Tout le monde pense à Anne Franck et à son journal. Si elle, une gamine de 13 ans a écrit un chef-d’œuvre dans une période de confinement, pourquoi pas nous ? Oui, mais Anne Franck était confinée certes, mais brisée et traquée. Elle et les siens étaient cloitrés dans ce réduit pour une seule raison : ils étaient juifs et pour le reste de la planète, c’étaient eux le danger qu’il fallait exterminer. Alors oui, elle en avait des choses à dire, cette petite. Elle criait l’injustice et la bêtise, elle criait son envie de vivre et d’aimer comme les autres, elle criait sa peur de mourir.

Nous, c’est différent, nous sommes confinés,  bien à l’abri dans nos maisons. C’est vrai  que tout dépend du nombre de personnes confinées dans un nombre de m2. Mais nous sommes à l’abri et le virus ne nous attend pas dehors pour nous sauter dessus. Donc, potentiellement, nous n’allons pas mourir de façon imminente.

Alors, pourquoi écrire si tout va bien ?

Eh bien, simplement pour laisser une trace de ce qui se passe. La mémoire est volatile, on le sait, et on ne retiendra que ce que l’on voudra bien retenir. J’ai déjà l’impression de ne plus me rappeler de ce qui s’est passé depuis le début de cette épidémie. Et nous n’en sommes qu’à 15 jours, alors, qu’en dirons-nous dans un an ou plus ? Que livrerons-nous ? Bien sûr, beaucoup de philosophes, de journalistes et d’écrivains s’emparent du sujet et ne manqueront pas d’en faire une analyse minutieuse, mais ce sera la leur, pas la mienne. En tant qu’être humain, j’estime avoir le droit, moi aussi de donner ma version des faits, mes propres sentiments.

Évidemment, comme c’est le but d’un journal, cela n’engage que moi et personne ne sera obligé de le lire. Mais, comme tout « auteur », je vais quand même essayer de rendre mes écrits le plus attrayant possible pour les lecteurs, si il y en a un jour. Écrire, c’est ma passion et comme j’ai beaucoup, beaucoup de temps et un peu de matière, alors je me lance.

Tout a commencé vers le mois de janvier. Un virus de grippe était apparu en Chine. Évidemment, comme tout ce qui vient de Chine, on a crié au scandale. Ces chinois font n’importe quoi et surtout mangent n’importe quoi, c’est donc bien fait pour eux. On a déjà vaincu tant de virus, celui-ci n’en sera qu’un de plus et le temps qu’il nous parvienne, on aura trouvé la parade. Et la vie a repris son cours. Fin janvier, je suis partie en Thaïlande pour un mois. Je me rapprochais dangereusement de la zone concernée mais la Thaïlande, c’est très loin de la Chine, quand même, et je n’avais pas envie de gâcher mes vacances. Le jour de mon arrivée, je me souviens d’être tombée sur le seul chauffeur, qui est peut-être mort depuis, qui semblait avoir le coronavirus. Le pauvre homme, assez âgé, visiblement fiévreux, était pris de quintes de toux pendant tout le trajet. Je me suis ratatinée au fond de son taxi en me disant que, décidément, j’avais la poisse. J’ai veillé à ne pas approcher mon bonhomme de trop près et je l’ai vite refoulé au fond de ma tête, bien décidée à aller de l’avant sans psychoter sur ce virus. Après tout, Bangkok est une ville hyper polluée où bien des gens toussent et souffrent de problèmes respiratoires.

Mais c’était sans compter avec les réseaux sociaux. A peine ai-je commencé mon voyage que déjà, on me mettait en garde : ouh la, la, le virus, attention. Oui, le virus, en Chine, d’accord, mais moi je suis en Thaïlande. Mais c’est pareil, me disait-on. Comment ça, pareil ? Il y a quand même des milliers de kilomètres non ? Il a fallu que je pousse un grand cri de mécontentement pour que mes amis de Facebook acceptent de garder leurs peurs pour eux et de me laisser vivre mon voyage tranquillement. Mais, on n’entend que ça, ici, c’est normal, on a peur, tu comprends, on ne va même plus dans les restaurants chinois. Des chinois étaient même agressés en pleine rue, sous le prétexte.. d’être chinois. J’étais sidérée. Comment cette psychose pouvait-elle prendre de telles proportions ? J’étais heureuse d’être loin de tout cela pour ne pas voir de nouveau la bêtise humaine se propager, plus vite que le virus.

J’ai décidé d’ignorer et de profiter. Et j’ai eu bien raison ! La mer était bleue, le soleil était doux, les mojitos délicieux et les paysages fabuleux. En plus, comme pendant le mois, la chine avait fermé ses frontières, il y avait très peu de monde, où que j’aille. La Thaïlande sans la foule, c’est vraiment un régal et je suis heureuse de l’avoir vue de cette façon. Ce mois de vacances et de liberté a été un mois de jouvence et m’aide surement à supporter le confinement actuel. Je reconnais que j’ai vraiment beaucoup de chance.

A mon retour, j’ai repris ma vie sociale comme si de rien n’était. Théâtres, cinémas, expositions, sorties avec les copines. Avec le recul, je me demande si je n’ai pas agi, inconsciemment, dans l’urgence d’une menace. Je ne suis jamais autant sortie dans une période aussi courte auparavant et je suis contente d’avoir eu ce 6ème sens. Lorsque nous avons eu l’annonce du confinement,  j’étais déjà repue de bonnes choses, j’avais repris mes habitudes avec mes copines et surtout, j’avais pu voir mon fils. Je n’avais pas remis à plus tard. Il me disait qu’il était surbooké et m’avait donné rendez-vous pour un déjeuner… mi-mars. C’était trop loin pour moi, bien sûr, alors je suis allée l’applaudir, l’embrasser, même si je devais le partager avec d’autres. Et j’ai bien fait, car 15 jours plus tard, on nous enjoignait de rester chez nous et il n’y a pas eu de déjeuner.

Une fois de plus, ma théorie, celle que je crie depuis 5 années, a pris tout son sens : il faut profiter de la vie, vite et tout de suite car on ne sait jamais quand ça s’arrête. Et là, la vie vient de s’arrêter, momentanément pour la majorité d’entre nous et définitivement pour d’autres. Aujourd’hui, tout le monde comprend les valeurs les plus importantes : la liberté, l’amour, l’amitié … la santé, promue au rang de valeur, pourquoi pas. Aujourd’hui, tout le monde comprend que tout n’est pas éternel, et que l’équilibre sur lequel repose nos vies peut être fragile et s’écrouler sans prévenir.

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Chantal cadoret

2 réflexions sur « MA VIE CONFINÉE : 16ème Jour »

  1. Merci Chantal de nous faire sourire Rire et frissonner car tes récits sont très vrais et touchants merci aussi de nous divertir car confinée. Hâte de suivre ton journal je serais fidèle au rdv ma copine.
    Merci merci !

Répondre à Géraldine Campagne

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